Voici un de mes gros coups de cœur de ces derniers mois. La favorite était d’ailleurs dans la sélection officielle d’Angoulême, et c’est bien dommage qu’il n’ait pas eu de prix.
J’aime beaucoup le graphisme, ce noir et blanc nous plonge dans un passé qu’on imagine lointain. J’avais peur d’avoir un peu de mal à rentrer dans l’histoire, mais on est tout de suite happé, et plongé dans une atmosphère un peu étrange.
Tout commence dans un huis clos. Constance raconte son enfance, auprès de ses grands-parents. Dès les premières pages, on est enfermé avec elle dans cette maison, entre sa grand-mère, imposante et effrayante, et son grand-père, incapable de s’imposer face à sa femme. Il est question de martinet, de punitions dans le grenier, et de ne jamais sortir plus loin que le jardin. Petit à petit, les éléments mystérieux s’accumulent : Constance ne sait rien du tout de ses parents, à part qu’ils sont morts, et ses grands-parents ont eu une autre fille, morte à l’âge de 10 ans.
Et là, j’ai envie de vous dire, si vous êtes tentés, n’allez pas plus loin et foncez lire cette BD ! Malheureusement, on trouve sur Internet beaucoup d’articles qui dévoilent une partie importante de l’histoire, et je trouve ça un peu dommage. Pour ma part, même si j’ai adoré cette lecture, j’aurais aimé avoir cet effet de surprise.
Donc pour ceux que ça ne dérange pas, je m’apprête à dévoiler un élément important de l’histoire…
La force de La favorite, c’est de distiller des éléments au compte-goutte. On imagine au début voir une petite fille dans une maison totalement isolée dans un autre temps, pour peu à peu se rendre compte qu’on a affaire à un petit garçon travesti par sa grand-mère totalement tyrannique (et un peu dérangée sans doute), dans un passé pas si lointain.
Constance va petit à petit découvrir le monde extérieur, d’abord en sortant acheter du pain dans le village, puis avec les enfants du gardien. Ces échanges avec le monde extérieur vont dérégler cette machine bien huilée mise en place par la grand-mère. Constance est en effet un petit garçon avide d’aventures, qui ne demande qu’à sortir explorer d’autres horizons, et qui rêve de pirateries et de détective privé, les livres et les films étant ses seules distractions.
Avec la présence d’autres enfants, il découvre aussi d’autres choses, notamment une attirance pour une fille un peu plus âgée. Le travestissement causant pas mal de quiproquos…
Quelques extraits :
En découvrant l’altérité, l’enfant, qui avait grandi sans trop se poser de questions, prit conscience de l’anormalité de sa situation…
… vivant chez ses grands-parents, sans rien savoir ni de sa mère, ni de son père, sans aller à l’école, travesti en petite fille.
A cet instant précis, je sus avec acuité que je serais capable de m’adapter et de devenir Maxime. Longtemps, je m’étais senti comme un garçon dans un corps de fille ; désormais, je serais un peu fille dans un corps de garçon.
Pas de personnage lgbt ici, mais la question intéressante du travestissement, de notre part à tous de masculin et de féminin, de ce qui fait de nous une fille ou un garçon (après tout, Constance s’habille en fille selon les désirs de sa grand-mère, sans que cela remette en question le fait que ce soit un garçon).