En 2018, j’écrivais deux articles sur la représentation (ici et là), et même si ça ne semble pas si loin, j’ai l’impression qu’une vie s’est écoulée depuis.
Vous l’aurez noté, ce blog est à l’abandon depuis le mois de juillet. Ça a commencé bien malgré moi, et l’alimenter m’a clairement manqué. Et puis, ces dernières semaines, j’ai pu faire le point, et me rendre compte que j’avais envie de passer à autre chose. J’ai travaillé et conseillé en librairie, puis en quittant mon boulot, j’ai continué à donner des conseils ici sur des sujets qui me tenaient à cœur, et c’était chouette, vraiment.
Tenir un blog, c’est chronophage, et j’ai envie d’utiliser mon temps (de lecture comme d’écriture) pour d’autres projets. D’autant que d’autres personnes parlent déjà très bien de diversité (entre autres Planète Diversité, la chaine youtube de Mx Cordélia, la Rainbowthèque).
Quoi de mieux pour clore ce blog que de parler une dernière fois de représentation ?
Dans mon deuxième volet, je faisais mon coming out non binaire. Et du coup, j’ai clairement l’impression d’être un baby-enby. C’est « drôle » parce que j’ai déjà vécu tout ça en tant que lesbienne : l’acceptation, les coming out (à soi-même d’abord, puis aux autres), et la recherche de représentation ! Et en ce qui concerne ce dernier point, j’ai l’impression de galérer presque autant que le bébé lesbienne de 16 ans que j’étais, et qui n’avait pas encore Internet. Alors, j’en rajoute, un chouia. Mais franchement, c’est pas évident de trouver des personnages non-binaires.
Déjà, heureusement que je me dépatouille pour lire en anglais, sinon, je n’aurai clairement pas grand-chose à me mettre sous la dent. Et au-delà de ça, ne serait-ce qu’en terme de visibilité, je note que les personnalités non-binaires auxquelles je pense (il commence à y en avoir quelques-unes) sont américaines (ou en tout cas anglophones). Donc en France, on n’existe pas ?
En plus de ça, comme je n’ai plus 16 ans depuis longtemps, j’ai tendance à être beaucoup plus exigeant·e. Alors pour l’instant, je note deux grandes catégories dans mes lectures : soit la tranche de vie avec les passages obligés (coming-out etc), les mêmes qu’on a connus avec les questions lgbt ; soit des personnages non-binaires dans des univers alternatifs : fantasy ou science-fiction. J’ai pas fait d’étude statistique sur la question hein, c’est juste ce qui ressort de mes impressions. Problème pour moi : j’ai rien contre les histoires de coming-out, mais j’ai aussi envie d’autres choses, et je lis globalement très peu de science-fiction et de fantasy (avec des exceptions, notamment toute la saga de L’assassin royal, mais j’y ai passé une bonne partie de mon année 2019, donc ça suffit maintenant !). En fait, j’ai juste envie de lire des histoires diverses et variées, avec des persos divers et variés. Simple sur le papier, mais tellement plus compliqué dans les faits.
Je découvre en ce moment le travail d’Iris Brey (vous pouvez l’écouter entre autres dans Les couilles sur la table, ou lire l’un de ses deux ouvrages Sex and the series et Le regard féminin). Elle parle de représentation et notamment du male gaze et c’est vraiment intéressant.
Et l’écouter a rejoint certaines des réflexions que je me faisais récemment, sur l’influence des représentations sur nos propres goûts, ou nos propres comportements. J’y pensais notamment par rapport à l’image des lesbiennes. Globalement, on voit surtout des lesbiennes/bisexuelles féminines sur nos écrans. Même dans une série censément centrée sur ces personnes comme The L word (ancienne ou nouvelle génération), les butchs et les lesbiennes masculines sont quasiment invisibles. Résultat, les mecs hétéros sont contents parce qu’ils peuvent se rincer l’œil, et une partie des lesbiennes n’est pas représentée et n’existe tout simplement pas à l’écran.
Autre résultat, plus insidieux, même en étant queer, on va s’attendre à ce genre de représentation. Et éventuellement la reproduire. Moi-même j’ai écrit des nouvelles où le love interest du personnage était quasi toujours une femme plutôt féminine (bon souvent dans une dynamique de l’ordre fem-butch, mais ça c’est une autre histoire), alors même que ce ne sont pas mes préférences dans la vie réelle. Et je ne l’ai même pas interrogé sur le moment !
Ce qui m’amène à un autre sujet qui est : on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Et oui, clairement les auteurices ownvoices sont important·e·s. Vous ne vous sentez pas représenté·e·s, vous êtes frustré·e·s et vous avez des idées ? Ben passez le cap ! Je ne dis pas que c’est forcément facile (ni obligatoire), mais je sais combien on peut avoir tendance à s’autocensurer. Et ça fait du bien de se laisser aller à raconter des histoires qui nous ressemblent. Et la censure ne passe malheureusement pas que par la case représentation, mais aussi par le genre dans lequel on a envie d’écrire. Vous avez envie d’écrire à destination des enfants, des ados, des adultes, vous avez envie d’écrire des fanfics, du cul, de la fantasy, de la tranche de vie, du polar, faites-le ! Faites-vous plaisir ! D’abord pour vous, et si ensuite vous avez envie, partagez vos écrits, quelle que soit la façon de le faire (en petit comité avec vos ami·e·s, sur des plateformes dédiées, en les envoyant à des éditeurs…). La représentation vous manque, elle manque aussi à d’autres. Vous écrivez autant pour les personnes concernées que pour les autres. La représentation c’est toujours important.
J’ai tenu un blog sur la diversité pendant quasiment quatre ans (le temps passe). C’est un sujet qui m’intéresse depuis longtemps. Et pourtant, j’apprends et j’évolue tous les jours. Pourquoi ? Parce que des personnes prennent la parole. Que ce soit Amandine Gay qui fait un superbe documentaire sur les femmes noires (Ouvrir la voix), ou Mélanie Fazi qui parle de son aromantisme/asexualité (je me permets d’utiliser ses termes, mais il s’agit ici du spectre, vu que l’autrice ne s’y reconnait pas entièrement) dans Nous qui n’existons pas ou Mischanomalie qui parle des personnes intersexes sur youtube, j’apprends tous les jours. Parce que des personnes concernées prennent la parole.
Sur ce, je vous laisse, car moi aussi j’ai des envies d’écriture !
Alors, portez-vous bien, lisez, écrivez, partagez !