Archives mensuelles : février 2019

Quiver, de Julia Watts (livre en VO)

quiverDans le fin fond du Tennessee, une amitié improbable va naître entre Libby et Zo.
Libby vit dans une famille évangéliste chrétienne qui adhère à l’idéologie « quiverfull ». Alors, pour vous résumer, c’est une idéologie basée sur un système totalement patriarcal, où l’homme est l’intermédiaire entre Dieu et sa femme et ses enfants, et où la femme est totalement soumise, et se doit de rester à la maison pour élever ses enfants (pas de travail, pas de contraception, bien évidemment).

Donc Libby (pour Liberty) grandit dans cette famille. Elle est l’ainée des six enfants, bientôt sept.

Un jour, une famille avec deux enfants s’installe dans la maison voisine. Autant vous dire que ce n’est pas du tout le même genre : c’est une famille ouverte, où les deux parents travaillent, sont végétariens, et ont au cœur de leurs préoccupations le bien-être de chacun. Et leur aîné·e, Zo, est genderfluid.

Comme il n’y a pas grand-chose à faire dans le coin, et que tous étudient à la maison, Zo et Libby vont rapidement se lier d’amitié, malgré leurs différences. Et pour Libby, de nombreuses questions vont se poser suite à la découverte de cette nouvelle famille. Elle ne porte pas ce prénom pour rien, et petit à petit, le vernis de cette famille va commencer à se craqueler.

J’ai trouvé ce roman assez prenant, et le choc des cultures bien décrit. J’ai aimé voir ces deux personnages s’accepter et apprendre à se connaître, sans jugements, malgré le gouffre qui les oppose. Je dois bien avouer que malgré tout, j’ai trouvé le dénouement un peu facile et rapide, mais ça ne m’a pas empêché d’apprécier ma lecture.

Bon, à la base, j’avais repéré ce livre pour son personnage genderfluid mais clairement, ce n’est pas central à l’histoire. La représentation est là, c’est très clair et assumé de la part de Zo, et accepté sans problème par sa famille. De même que Zo a eu une histoire avec une fille, et est attiré·e par les filles en général. Et à noter aussi, la meilleure amie de Zo est une fille transgenre.

Alors oui, je ne le cache pas, j’aurais aimé que toutes ces thématiques lgbt+ soient plus développées. C’est vrai, mais j’ai aussi apprécié les voir abordées dans un roman de façon totalement naturelle et non problématique. C’est succinct, d’accord, mais c’est présent. Et c’est plutôt chouette.

Trans Barcelona Express, d’Hélène Couturier

CVT_Trans-Barcelona-Express_6212Avant toute chose, j’ai une déclaration à faire : j’arrête (au moins pour un temps) de vouloir absolument lire un livre dès que j’entends qu’il est problématique. Je me fais du mal inutilement et je me dis qu’il est temps d’arrêter (le monde qui nous entoure est déjà bien suffisant je crois).

Cela étant dit, j’ai voulu lire ce roman en toute connaissance de cause, et j’ai pu le faire grâce à Mx Cordélia qui ne savait pas quoi faire de ce livre problématique qui encombrait inutilement sa bibliothèque. Merci à elle au passage.

Pour en revenir à nos moutons, et précisément au livre qui nous intéresse ici, je ne vous cache pas que j’ai regretté ma décision dès les premières pages. Si vite ? Et ben ouais… Parce que voir une ado préparer sa valise et se lamenter de ne pas pouvoir y mettre toutes ses tongs à paillettes, puis voir sa mère se lamenter sur son poids en se regardant dans le miroir, le tout en trois pages, ben déjà, merci la représentation des femmes quoi !

Bon ensuite, qu’est ce qui se passe ? Nina, sa mère et sa petite sœur partent toutes les trois en Espagne pour les vacances. Nina va au passage y retrouver un garçon qui est un ami, mais peut être plus si affinités, mais ça reste à définir…

Lors d’une soirée un peu (beaucoup) trop arrosée, Nina récupère un sac à dos en pensant que c’est le sien, sauf que non. Dans ce sac, elle trouve un carnet avec des dessins assez torturés, signés XYX. Après enquête, et parce qu’elle se sent coupable d’avoir embarqué le sac de quelqu’un d’autre, elle découvre que quelqu’un a taggué cette même signature dans un skate parc. L’enquête continue, et apparemment, le sac appartient à une personne qui s’est fait virer de chez elle par son père. Mais pourquoi donc ? Suspense insoutenable ! (non en fait, ça sent le sapin cette histoire, et ça se confirme avec la suite)

Alors, déjà, dès le début, Nina pense que le sac appartient à une fille (rapport au mascara vert qu’elle a trouvé dedans). Mais au fil de l’enquête, on découvre un prénom de garçon. Hum, c’est louche cette histoire… Vous le sentez venir le truc foireux là ?

Et que signifie donc ce XYX ? Hum, mystère, mystère…

Avant de passer à la suite, et vous laissant sans doute un suspense absolument insoutenable, je fais une petite parenthèse. Dès le début du roman, et cela s’est confirmé par la suite, j’ai constaté que l’autrice avait un certain souci de rendre son histoire pédagogique. Ainsi, on en saura plus sur l’histoire de Barcelone, sur les Catalans, on apprendra de nombreux mots espagnols, au passage on en découvrira aussi un peu plus sur le Honduras. Bref, vous voyez l’idée. Alors, honnêtement, c’est louable hein. Personnellement, ça m’a un peu agacé de voir des nombreux cours d’espagnol « habilement » cachés ici et là, mais soit, je n’ai pas l’âge du public visé, et en plein apprentissage de cette langue, j’aurais peut-être apprécié de pouvoir réviser mon vocabulaire au passage…

Mais ! Évidemment, cela ne s’arrête pas là, et l’autrice a voulu traiter la transidentité comme un sujet pédagogique. Alors, encore une fois, sur le principe, pourquoi pas. Après tout, Appelez-moi Nathan est pour moi une BD pédagogique sur le sujet. En ce qui me concerne, je trouve que ça l’est un peu trop, et aussi trop « parcours typique et obligatoire », mais la BD n’est pas mauvaise, et à mon sens, on peut la faire lire à des ados sans problème.

Mais ici, ça ne va pas du tout ! Et le pire du pire, c’est que l’autrice semble s’être un minimum renseignée ! Mais mal et clairement pas assez…

Donc pour revenir au sujet. Nina et ses amis finissent par retrouver Silvano pour lui rendre son sac. Et là, surprise ! On apprend que Silvano est une fille trans, et que son père ne l’accepte pas du tout.

– Quand j’ai enfin trouvé le courage de dire à mon père que je voulais suivre un traitement, il m’a fait hospitaliser. Quelques jours après, le psychiatre lui a certifié que je n’avais aucune maladie mentale. Il fallait m’aider à devenir celui que j’étais réellement, celui que je ressentais être.

Oh une personne transgenre qui se mégenre elle-même, c’est y pas beau ça ?!

Suite à cela, Nina et ses amis vont se renseigner sur la transidentité, et se mettre en tête d’aider Silvano (qui n’a rien demandé).

On a lu des témoignages de transgenres qui s’étaient, comme Silvano, retrouvés virés de chez leurs parents quand ils avaient annoncé vouloir passer à leur transformation physique. Certains racontaient comment, isolés, ils étaient tombés dans la drogue et la prostitution. Les cas d’automutilation étaient fréquents (faire souffrir ce corps qui n’est pas son vrai corps), comme les cas de suicide.

Paye ta représentation des personnes transgenres ! On parle forcément d’opérations et de transformations physiques, de mal-être, de mauvais corps… Merci le regard cisgenre, et le côté pathologisant.

Donc, là nos héros veulent aider Silvano, et décident de se rapprocher d’une association lgbt.

Bon, j’ai oublié de préciser. Mais comme il se doit, tout le monde genre Silvano au masculin hein. A un moment, Nina tente d’expliquer à sa petite sœur ce qu’est la transidentité. Et elle précise bien que Silvano n’est pas une bête de foire, alors que tout le roman va dans ce sens…

Donc Nina et ses amis se rendent dans une association qui vient en aide aux personnes transgenres en disant qu’ils souhaitent aider Silvano. La personne qui les reçoit (elle-même trans) mégenre aussi allègrement Silvano et leur raconte pas mal de bullshit (l’autrice tente un contenu pédagogique, mais c’est raté), par exemple :

Quand on n’a pas l’habitude, rencontrer une personne trans peut être déstabilisant. Je me souviens que lorsque j’étais encore une fille, les gens me regardaient avec un certain malaise. Ils ont besoin d’être rassurés, de savoir s’ils doivent dire « il » ou « elle », sinon ils ne savent pas comment se comporter. Une fois que j’ai été opéré et que je suis devenu officiellement un individu de sexe mâle, les gens m’ont regardé normalement. Ils se sentaient mieux avec moi et je pouvais donc être plus à l’aise avec eux.

Bon, là y a rien qui va. J’ai juste envie de vomir, et je pense avec une infinie tristesse aux personnes transgenres qui auraient le malheur de lire ce livre. Nan mais qui peut écrire un truc pareil, sérieusement ! C’est d’une violence innommable.

Ce livre est un tissu de conneries, et de violences à l’égard des personnes trans. Silvano est mégenrée tout du long, et n’est qu’un prétexte pour apprendre des choses à des personnes cisgenres, d’un point de vue cis, et complètement erroné. Silvano est montrée comme une bête de foire, et en plus, est reconnaissante de l’aide que lui ont apportée les autres !

Bref, n’achetez surtout pas ce livre et ne le lisez pas !

L’enfant de la guerre, d’Olivia Brun

enfant guerre.jpgL’enfant de la guerre est un récit de vie. On y suit la naissance, l’enfance et l’adolescence d’Olivia Brun.

A travers des chapitres courts, ce sont des moments clés qui apparaissent, des relations compliquées avec ses parents, des grands-parents assez présents pour compenser, une rencontre traumatisante et qui aurait pu tourner plus mal, une passion pour Julie Andrews, puis à l’adolescence, la découverte de l’homosexualité en tombant amoureuse de sa prof, et dans la foulée, la découverte de l’homophobie.

Olivia a un caractère bien affirmé, sans concessions, et passionné. Sa vie est à son image, et d’évènements marquants en événements marquants, on la découvre par petites touches.

Peut-être malgré cela, on surtout à cause de cela, j’aurais aimé pouvoir me plonger plus pleinement dans cette vie, plutôt que de la survoler en sentant le bouillonnement intérieur de cette enfant et cette adolescente.

Ça raconte Sarah, de Pauline Delabroy-Allard

CVT_a-raconte-Sarah_7169On m’a présenté Ça raconte Sarah comme le roman lesbien de la rentrée littéraire. Bon, effectivement, comme il n’y en pas cinquante, ça a attiré ma curiosité.

D’autant plus qu’il figurait dans la première sélection du Prix Goncourt, et que globalement, les lecteurs avaient l’air de s’enthousiasmer. Plus récemment, le livre a d’ailleurs obtenu le prix du roman des étudiants France Culture-Télérama 2018.

En parallèle, cela dit, je commençais aussi à entendre quelques réserves à droite à gauche (en tout cas, du côté lesbien des lectrices), sur ce livre parlant de la passion amoureuse entre deux femmes.

Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que je n’ai pas du tout aimé, et que si vous avez envie de vous plonger dans ce roman aux éditions de Minuit, j’ai envie de vous dire, allez-y. Faites-vous votre propre avis. Mais peut-être en évitant de lire ma critique avant, qui risque de vous spoiler un peu.

Je dois dire que dès les premières pages, j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans l’histoire. Alors sans doute, comme souvent, il y a un temps pour tout, et clairement, je ne suis pas dans une période où ce type de livres m’appelle. Donc j’ai péniblement tenté de m’y mettre, à plusieurs reprises, avant de le laisser de côté pour quelques temps.

Voyant tout de même l’effet qu’il pouvait provoquer, ou non d’ailleurs, en tout cas il ne laissait pas indifférent, j’ai recommencé ma lecture à zéro, à un moment plus propice.

Et bien je n’ai pas plus accroché. En fait, ça m’a agacé de lire ce type de représentation de l’amour entre femmes. Alors, évidemment, ce serait noyé dans une rentrée littéraire remplie de personnages lgbt+, je serai probablement moins exigeante, mais ce n’est pas le cas.

Le roman est divisé en deux parties. La première raconte cette rencontre amoureuse, la passion des débuts, qui finalement, petit à petit, dévaste tout. On assiste à une relation toxique, pour l’une, comme pour l’autre.

La deuxième partie, beaucoup plus sombre, nous entraîne dans la folie, et la noirceur la plus totale.

Récapitulons, un amour entre femmes, une passion dévorante qui mène à la folie ? Personnellement, ça me rappelle trop de représentations vues et revues, où la lesbienne est folle, toxique, meurtrière, suicidaire ou les quatre. (ici on ne remplit pas tous les critères, ouf)

Donc, non, clairement, je n’ai pas aimé. Je ne dis pas que tous les romans lesbiens doivent proposer du bonheur jusqu’à l’écœurement, mais j’en ai marre de voir ces représentations personnellement.

Moi, ce que j’aime, c’est les monstres T.1, d’Emil Ferris

9782896943739_largeMoi, ce que j’aime, c’est les monstres a été ma première lecture de l’année, et une immense claque. Très honnêtement, ça faisait longtemps qu’une BD ne m’avait pas autant marqué, à tout niveau.

Pourtant, j’ai mis un peu de temps avant de m’y mettre, un peu inquiet devant cet énorme pavé, et pas forcément attiré par le graphisme et la densité du dessin, de prime abord. Mais dès que je m’y suis plongée, waouuuuh, plus possible de m’arrêter ! Et j’ai trépigné ensuite en croisant les doigts pour qu’il soit primé à Angoulême, ce qui a été le cas, et c’est amplement mérité, vous l’aurez compris !

Ce roman graphique est déjà une sacrée prouesse en termes de dessins, et préparez-vous à devoir le relire pour en apprécier toute la richesse. Et pourtant, tout est fait au stylo bille ! Et dessiné sur un cahier ligné, puisque cette BD se présente sous la forme du journal d’une petite fille de dix ans.

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Karen vit à Chicago, à la fin des années 60, avec sa mère et son frère, et voue une passion à toutes les sortes de monstres. Elle-même se dessine d’ailleurs en loup garou. Un jour, sa voisine Anka, dont elle était assez proche se suicide. Mais Karen n’y croit pas, et décide d’enquêter pour découvrir ce qui s’est réellement passé. Elle découvrira des enregistrements d’Anka, où elle raconte ce qui lui est arrivé en pleine Allemagne nazie. Entre les souvenirs d’Anka, et la vie également compliquée de Karen, je vous préviens, c’est une œuvre très très sombre. Mais franchement, quelle claque ! Et pour une première œuvre, c’est hyper abouti. Par contre, grosse frustration à la fin du tome 1… Vivement la suite !

Je n’ai pas parlé de représentation, mais Karen aime les filles. C’est assez clair dans ses relations avec certaines de ses copines, puis elle l’annonce clairement à son frère. C’est un bonus, mais de toute façon, c’est un livre qui mérite d’être lu, quelles qu’en soient les raisons !